Bioplastiques de l’espoir : super-pouvoirs ou on se fait avoir ?
Pollution plastique
Sensibilisation
29 mars 2022
Bioplastiques, plastiques biosourcés, biodégradabilité, quelle réalité ?
Bio, c’est la vie, Bio, c’est beau, et ça sonne bien. Ces 2 petites syllabes nous réconfortent et nous murmurent que tout ira bien.
Alors que notre société prend peu à peu conscience des ravages de son addiction au plastique à usage unique sur les océans, la biodiversité, la planète et nous-même, de nouveaux mots sont venus enrichir nos étalages.
Bioplastiques, plastiques biosourcés, biodégradables… The SeaCleaners fait le point sur les réalités scientifiques derrière ces appellations.
Le bioplastique, un casse-tête écologique ?
Le bioplastique est un terme assez flou, on peut y retrouver le meilleur comme le pire, de nombreux producteurs attendent que cette appellation soit régulée. Selon la définition donnée par le Larousse: « Plastique biodégradable, issu de ressources renouvelables (amidon, par exemple) ou non ; plastique non biodégradable, bien qu’issu de ressources renouvelables. »
Le bioplastique comprend donc à la fois les plastiques biosourcés contenant des matériaux issus d’origine animale ou végétale mais également des plastiques issus du pétrole qui peuvent se dégrader dans des conditions industrielles très précises (créant souvent des problèmes plus graves encore).
Quand on sait que 60% des plastiques biosourcés sur le marché¹ ne sont pas biodégradables, on comprend que les bioplastiques soient un casse-tête écologique.
Pour y voir plus clair dans les bioplastiques, il faut explorer d’une part, les plastiques biosourcés et d’autre part, les plastiques biodégradables.
Les plastiques biosourcés, le bon dieu sans confession ?
Les plastiques biosourcés sont donc produits en partie ou en totalité à partir de matériaux d’origine végétale ou animale. Maïs, soja, palme, canne à sucre, ricin, algues, champignons, etc. Les origines des plastiques sont nombreuses.
Pour la petite histoire, les plastiques biosourcés ne sont pas nouveaux : par exemple, la protéine de lait, la caséine, en réaction avec du formol permettait de produire la galalithe, un plastique très utilisé pour la fabrication de boutons, de matériel électrique, ou de bijoux au début du XXème siècle.
Au-delà de la caséine, diverses sources de protéines ont été testées… Mais plus chers que les plastiques issus du pétrole, les plastiques biosourcés n’ont encore que rarement la préférence des industriels.
Très peu de plastiques biosourcés le sont à 100%. La raison est simple : les constituants majeurs des matériaux plastiques sont les polymères (d’origine naturelle ou non), les agents de charge et les additifs.
Si les polymères et agents de charge peuvent être synthétisés à partir d’éléments d’origine naturelle, c’est en revanche plus difficile de reproduire de la même façon les exigences des additifs qui donnent les propriétés techniques au plastique.
Ainsi, aujourd’hui, la grande majorité des plastiques biosourcés contiennent également des dérivés du pétrole.
Si certains jouent sur l’ambiguité et s’accommodent très bien de cette situation, d’autres producteurs travaillent d’arrache-pied pour résoudre ce problème et créer des produits sans additifs pétrochimiques.
Enfin, les plastiques biosourcés peuvent poser un problème éthique.
On sait que l’agriculture mondiale est sous tension, que les sols agricoles sont en demande croissante d’eau tandis que les ressources en eau s’affaiblissent, entraînant une destruction des écosystèmes et de l’habitat de très nombreuses espèces. Cela ne semble donc pas une très bonne idée de miser sur le maïs, le soja ou la palme pour nourrir notre addiction au plastique.
Les Biodégradables, mensonge par omission ?
Ah les fameuses lingettes biodégradables qui bloquent les canalisations et sont le fléau des stations d’épuration (3/4 des interventions de terrains, pour un coût annuel allant jusqu’à 1 milliard d’euros pour l’Union Européenne), ou les sacs biodégradables retrouvés intacts 3 ans après avoir été enfouis… Ils sont devenus des symboles du flou autour du terme biodégradable.
En fait, ce terme désigne l’aptitude d’un produit à se décomposer et à être effectivement “bio-assimilé” par l’environnement sous l’action de micro-organismes et de facteurs tels que l’humidité, la chaleur ou la présence d’eau.
Virtuellement, tout est biodégradable… Un sac plastique est biodégradable… Il met juste 450 ans à se décomposer.
Vous l’aurez compris, le terme biodégradable ne donne pas d’informations comme la vitesse de cette dégradation ou les conditions particulières dans lesquelles la matière en question peut se dégrader.
Depuis le 1er janvier 2022, l’apposition de termes flous tel que “biodégradable” ou “respectueux de l’environnement” sur un produit ou un emballage est interdite en France.
Le saviez-vous ? Depuis le 1er janvier 2022, les produits et emballages qui se compostent en compostage industriel ne pourront plus avoir la mention “compostable” sur leurs emballages. Ceux compostables en conditions domestiques, devront porter la mention “Ne pas jeter dans la nature”.
En effet, pour être dégradés, ces matériaux doivent respecter des conditions très précises (enfouissement, montée en température), le compostage industriel ne pouvant être reproduit dans le compost domestique, et le compost domestique n’autorisant pas ce plastique à devenir un déchet sauvage.
Pour résoudre la crise du plastique, le matériau magique ne suffira pas : il faut faire évoluer toute la chaîne de valeur
Malgré cela, on se prend aussi à rêver à un bioplastique parfait, biosourcé à 100% et à partir de déchets, capteur de carbone, ayant toutes les propriétés du plastique, biodégradable en toutes conditions et sans résidus toxiques, et compétitif face au plastique traditionnel.
Peut-être qu’un jour, ce matériau magique sera généralisé. Mais pour qu’il soit véritablement vertueux, c’est toute la chaîne de valeur qui devra être repensée.
En effet, aujourd’hui, la plupart des bioplastiques compostables ne sont pas revalorisés à leur juste valeur car la filière de valorisation n’est pas encore entièrement développée.
Aujourd’hui, le cycle de vie d’un bioplastique comme le PLA, ce bioplastique généralement à base de maïs ou de riz le rend plus polluant qu’un plastique traditionnel recyclé.
Sa fabrication mobilise plus de ressources en énergie et en eau.
S’il est officiellement compostable en condition industrielle, son temps de décomposition est de 12 semaines (contre 4 pour un déchet organique), trop long pour une filière de compost traditionnelle et est parfois ré-orienté vers l’incinérateur.
C’est la conclusion à laquelle est arrivé le maraîcher Agricool en pratiquant une analyse de cycle de vie de ses produits. Ils ont abandonné le PLA, pour adopter à la place le R-PET (PET recyclé), moins gourmand en eau, en émission de CO2 et bien recyclé.
Et à Agricool de conclure : “Nous sommes donc un maillon parmi d’autres sur la chaîne de recyclage et les changements doivent se produire à tous les niveaux : que ce soit du côté des marques, des consommateurs (dans leur manière de trier et consommer) et des centres de valorisation des déchets.”
Le super-héros, ce n’est pas la matière, mais vous seuls ! Maîtrisez votre consommation de plastique. Appliquez la règle des cinq R : refuser, réduire, réutiliser, recycler et rendre à la terre.