Forever Belem

Depuis 2021, la Fondation BELEM Caisse d’Epargne et THE SEACLEANERS travaillent ensemble pour sensibiliser le grand public à la pollution plastique océanique et encourager des changements de comportements. Lors d’escales et de stages de navigation, nos équipes sont accueillies pour proposer des conférences scientifiques, actions et temps de sensibilisation aux visiteurs et stagiaires du BELEM.

Lors du stage de navigation de Cadix à Ibiza, qui s’est déroulé du 20 au 24 août 2023, c’est notre Responsable de la Sensibilisation Stéphanie POEY qui était sur le pont pour former les stagiaires à la lutte contre la pollution plastique. Elle nous a confié son carnet de bord. 

🗓 19 août : Plastique au port

Après un long voyage sous le soleil espagnol, j’arrive au port andalou de Cadix en début de soirée. Au loin, j’aperçois les trois mâts du BELEM qui m’accueillera pendant 4 jours pour sensibiliser ses stagiaires à la pollution plastique océanique. Le long du port, des centaines de jeunes attendent depuis des heures l’ouverture imminente du concert de MAKA, artiste espagnol, à ce moment-là encore inconnu à mes oreilles. A leurs pieds, une multitude de déchets ont été abandonnés, parmi lesquels bouteilles, verres, sacs et emballages en plastique. Un coup de vent et tout peut finir en mer. Aujourd’hui dans le monde, 1 tonne de plastique est déversée toutes les 3 secondes dans l’Océan. Il faut que cela cesse. Pour enrayer ce fléau nous devons d’abord changer nos comportements, et la sensibilisation est l’une des clés pour y arriver. 

A 21h, je monte à bord avec les 48 participants au stage de navigation qui nous mènera jusqu’à Ibiza. L’équipage nous accueille puis nous présente les groupes, le planning, les couchettes et les règles de vie sur le bateau avant de nous laisser aller dormir ou profiter du concert depuis le gaillard d’avant.

🗓 20 août : Gibraltar dans le brouillard

Nous appareillons de Cadix au moteur à 10h00, sous un soleil de plomb. Direction Gibraltar  

Vers 13h, alors que nous apercevons les côtes marocaines, nous établissons les voiles d’axes.  Mais rapidement après, le brouillard s’installe, le vent vire et la température baisse. Il faut tout haler bas* (*faire descendre les voiles).  

Nous passons donc Gibraltar dans le brouillard, avançant au radar et à grands coups de corne de brume.  Le détroit de Gibraltar a une position géostratégique, entre l’Afrique et l’Europe, l’Océan Atlantique et la mer Méditerranée. C’est une zone de trafic importante avec plus de 100 000 navires qui y passent chaque année. C’est aussi une zone de dégazage et de rejets en mer fréquents, où la pollution est dense. 

Le décor est adapté pour présenter aux stagiaires du BELEM l’ampleur et les différents visages de la pollution plastique dans l’océan et tout au long du cycle de l’eau. Car la pollution est partout ! On a trouvé du plastique au plus profond des océans comme au plus haut des sommets montagneux, dans les nappes phréatiques comme dans les glaciers, mais aussi dans l’air que nous respirons. Il envahit l’environnement sous forme de macro, micro et nano particules. Il y aurait 500 fois plus de microplastiques dans l’océan que d’étoiles dans la galaxie.  

Cette donnée résonnera plus tard dans la soirée, pour les personnes qui, comme moi, sont de quart de nuit et auront la chance d’admirer un ciel magnifiquement étoilé.

🗓 21 août : Matelotage et cétacés

La nuit fut courte. Après le quart de 4h à 8h, nous enchaînons avec un petit-déjeuner et le ménage quotidien et collectif du bateau. Dans la matinée, nous établissons les voiles à la force de nos bras, en direction du Nord.  

Aujourd’hui, les gabiers* (*matelot.e spécialisé.e dans les manœuvres de voile) nous apprennent à monter, harnachés, dans la mâture. Installés sur la vergue de la grand-voile, nous pouvons observer le ballet des cétacés qui rythmera la journée : dauphins de risso, dauphins communs et globicéphales noirs viennent jouer dans les vagues d’étrave du bateau. 

Soudain, le souffle d’un animal est aperçu au loin. Il se répète plusieurs fois, sous nos yeux attentifs, avant qu’apparaisse la nageoire caudale de l’animal plongeant dans les profondeurs. Baleine, rorqual ou orque ? Le mystère ne sera pas élucidé, mais l’équipage émerveillé. 

Dans la soirée, je présente aux stagiaires l’impact de la pollution plastique sur la biodiversité marine et notamment sur les mammifères observés dans la journée.  Ils sont plus de 100 000 à être victimes de la pollution plastique chaque année et ce chiffre est probablement sous-estimé. Ils peuvent mourir par enchevêtrement dans des filets abandonnés, par ingestion de sacs plastiques, bouteilles ou autres déchets ou par contamination suite à l’ingestion de particules. Et ce ne sont pas les seules victimes. Nous échangeons sur le rôle indispensable de la biodiversité marine, du phytoplancton aux baleines, notamment indispensables pour capter le carbone atmosphérique. 

Le soir, nous carguons* (*Replier les voiles d’un navire contre les vergues ou contre le mât à l’aide des cargues) toutes les voiles, puis nous dirigeons vers le nord-est en longeant l’Espagne.

🗓 22 août : vis ma vie de gabier !

Nous nous réveillons au large de Carthagène. La matinée est calme, nous établissons les voiles, et voguons vers Alicante. 

De temps en temps, nous apercevons des déchets flottants isolés, comme des bouteilles ou bidons en plastique abandonnés. Les stagiaires ont d’ailleurs pris le réflexe de m’appeler dès qu’un déchet est identifié ! Le parcours et la dérive des déchets en mer est une science complexe et plusieurs travaux de modélisation existent. D’après les travaux d’Ocean Cleanup, 43% des macrodéchets plastique arrivés dans l’Océan, couleraient directement contre 57% qui flotteraient. Parmi ces derniers, la quasi-majorité (97%) se redéposeraient sur les côtes, ramenés par les vents, courants et vagues et répèteraient ce cycle plusieurs fois avant de finir au large ou au fond des océans. La collecte des déchets dans les zones côtières et portuaires avant qu’ils ne coulent est donc l’une des solutions pour réduire la pollution océanique. C’est la mission des bateaux de collecte de The SeaCleaners : le MOBULA aujourd’hui et le MANTA demain. 

L’après-midi, le vent est favorable pour nous enseigner plusieurs manœuvres. Les 200 bouts du BELEM attendent la force de nos bras ! Le premier virement de bord est manqué, mais le second sera un succès. Plus tard, le commandant propose un virement lof pour lof (Terme de marin qui signifie changer de côté de vent afin de récupérer l’allure du vent arrière). En fin de journée, le vent tombe. Nous finissons la journée en carguant toutes les voiles et en longeant la côte espagnole en direction des Baléares.

🗓 23 août : Ibiza, nous voilà

Le BELEM se dirige vers les Baléares et la baie de Sant Antoni de Portmany où nous avons prévu de mouiller pour la nuit. Je profite de ce retour en douceur vers la civilisation pour parler des solutions à notre disposition pour lutter contre la pollution plastique.  

A la pause déjeuner, nous échangeons sur les différents écogestes que nous pouvons adopter dans notre quotidien pour réduire notre consommation de plastique et spécifiquement de plastique à usage unique. Nous faisons le point sur les différents logos et dénominations sur les emballages : recyclé, recyclable, biodégradable, biosourcé, compostable… En tant que consommateur, il est important de bien comprendre les étiquettes afin de faire des choix avisés et responsables. Nous parlons des règles de tri, de leur harmonisation en France en 2023 puis des bénéfices et freins au recyclage. Enfin, nous rappelons le rôle clé que les gouvernements et pouvoirs publics doivent jouer, en faisant état des lois et règlementations en place dans plusieurs pays, et en parlant des avancées des négociations du traité international contre la pollution plastique. 

Nous entamons l’après-midi remotivés : Les solutions existent, et nous pouvons tous et toutes y contribuer ! 

En fin de journée, le bateau s’installe au mouillage en face de Sant Antoni de Portmany. Nous profitons d’un bain dans une eau à 30° et d’une visite de la ville en soirée d’où nous assistons à un magnifique coucher de soleil avec le BELEM en premier plan. 

🗓 24 août : Bye-bye Belem

Le lendemain, nous quittons notre mouillage pour rejoindre Eivissa. Nous longeons la côte escarpée, croisons Formentera puis accostons au port d’Ibiza. A nos côtés, la vue de deux bateaux de croisières géants accueillant des milliers de touristes finit de nous ramener à la réalité… 

La parenthèse enchantée est terminée, nous plions bagages, remercions et saluons chaleureusement l’ensemble de l’équipage. Nous passerons la soirée à Ibiza. David Guetta ou Cala Llonga ? Les yeux encore remplis d’étoiles, et le corps tanguant, nous choisissons la seconde option afin de poursuivre l’expérience en douceur. 

 

Un immense merci à tous les stagiaires qui ont participé à ce stage et ont assisté aux sessions de sensibilisation ainsi qu’à tout l’équipage du BELEM pour leur chaleureux accueil à bord. 

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