La pollution plastique, une injustice environnementale : la voix des ramasseurs de déchets

“Quand les gens n’ont plus rien, c’est ici qu’ils viennent”.
On les appelle waste-pickers, chiffonniers, collecteurs de déchets, ce sont des hommes, des femmes, souvent des enfants.

Chaque jour, dans des conditions extrêmement dangereuses et insalubres, ils trient et extraient de ces immenses décharges les matériaux qui peuvent être valorisés.
Là où le déchet plastique est une ressource précieuse, les ramasseurs s’unissent pour demander l’avènement d’une véritable économie circulaire, afin d’endiguer cette injustice sociale et économique. À Bali, The SeaCleaners travaille en partenariat avec les associations locales pour améliorer sur place la gestion des déchets.

© Arash Yaghmaeian

Que ce soit à Mbeubeuss à Dakar au Sénégal, à Deonar à Mumbai en Inde, ou à Bekasi à Jakarta en Indonésie, dans les montagnes de déchets des plus grandes décharges du monde, ils sont des millions de travailleurs, répétant les mêmes gestes, fuyant la même misère et affrontant les mêmes dangers.  

Le métier le plus dangereux au monde ?

À Bekasi, les ramasseurs d’ordures, appelés « pemulung » en indonésien, gagnent généralement entre 2 et 10 dollars par jour, grâce aux déchets plastiques, métalliques, bois et électroniques qu’ils collectent. Même les os d’animaux ont de la valeur, car ils sont utilisés pour fabriquer des bijoux ou pour entrer dans la composition de carreaux de sol ou de béton (nytimes).  

Ces travailleurs de l’économie informelle sont essentiels à la prévention de la pollution plastique et au fonctionnement d’une économie circulaire : en 2016, on estimait que les ramasseurs de déchets étaient responsables de la collecte de 55 à 64 % des plastiques destinés au recyclage dans le monde (Lau et al. 2020). Pourtant, la situation n’est plus admissible au regard des droits de l’Homme. Le droit à un environnement propre, sain et durable a été reconnu en tant que  droit humain depuis 2021 

Où qu’ils se trouvent dans le monde, les waste-pickers sont généralement issus de groupes sociaux parmi les plus pauvres et les plus marginalisés, et tentent de trouver une source de survie dans le ramassage de déchets, au péril de leur vie.  

Ils sont en première ligne des effets nocifs de la pollution plastique sur la santé : en inhalant des fumées provenant de la combustion du plastique et en respirant de l’air contaminé par des microplastiques, ils sont plus vulnérables aux infections et aux maladies chroniques. 

Dans les décharges à ciel ouvert, où les montagnes de déchets atteignent parfois 70 mètres de haut, les accidents sont nombreux et tragiques : manipulations des déchets, effondrements…
Il n’est pas rare, que des ramasseurs meurent en essayant d’atteindre les meilleurs matériaux que les camions déversent. En 2017, un gigantesque éboulement dans une décharge d’Addis-Abeba a fait 113 morts. 

Une profession indispensable, des travailleurs vulnérables

« Là où l’on trouve des inégalités sociales, on trouve également des inégalités environnementales et sanitaires et vice-versa » (David N. Pellow et Robert J. Brulle, 2018)  

Les conditions précaires, dangereuses et inégalitaires des millions de collecteurs de déchets dans le monde entier nous rappellent que la pollution plastique est une injustice environnementale.  

Si l’économie souterraine du recyclage informel des déchets existe dans tous les pays, elle est largement concentrée dans des pays en développement, confrontés à une rapide urbanisation, et dont les infrastructures de gestion des déchets ne sont pas adaptées. 80 % de la pollution marine provient des villes côtières des pays les plus démunis.

Les travailleurs informels, qui représentent environ 80 % des 19 à 24 millions des collecteurs de déchets, contribuent à gérer une partie du flux de déchets générés localement, mais aussi souvent directement importés d’autres pays.
Malgré le rôle essentiel qu’ils jouent dans des zones urbaines envahies par les déchets et aux systèmes de gestion des déchets instables, génératrices de pollution plastique, leur travail est rarement valorisé, ils peinent à gagner leur vie et sont exposés aux abus et à l’exploitation. 

L'urgence : une meilleure gestion des déchets à l'échelle globale

Pour assurer de meilleures conditions de travail à ces professions, il est nécessaire d’agir sur la création d’infrastructures de gestion des déchets, afin de réduire l’immensité des décharges à ciel ouvert, de pouvoir accueillir les waste-pickers dans des services de gestion des déchets, où ils pourront bénéficier d’une sécurité renforcée.  

Dans le monde entier, les circuits des déchets sont sous-tension, l’afflux est tel que les déchetteries et décharges débordent et prennent des proportions jamais atteintes auparavant. La première réponse est d’abord de réduire la consommation globale de plastique, notamment de plastique à usage unique et de mettre sur le marché des produits ayant une durabilité et recyclabilité optimisée. Dans les décharges, les montagnes de déchets ne doivent plus exister.  

 Il est également indispensable d’assurer un statut à la profession de ramasseurs de déchets. Lors des négociations en vue d’un traité mondial sur les plastiques (dont la 4ème session aura lieu en novembre 2023 à Nairobi), les ramasseurs de déchets seront présents à la table des négociations pour faire valoir leurs droits, demander l’usage obligatoire de matières recyclables et une rémunération équitable pour leur travail. 

L’économie circulaire au centre des négociations

À Nairobi, les ramasseurs de déchets plaideront pour l’avancement de l’économie circulaire dans nos sociétés. En effet, le recyclage des déchets crée des emplois : 6 fois plus que la valorisation énergétique des déchets 6 et 25 fois plus que leur mise en décharge.  
En substituant la consommation des ressources naturelles par la main d’oeuvre et en ralentissant l’économie du « tout jetable », l’économie circulaire préserve non seulement les matières premières mais permet aussi de créer des emplois.
Dans une économie circulaire, les produits usagés et les matières sont réintroduits dans le cycle de production, de distribution et d’utilisation, autant de fois que cela est possible. Les déchets deviennent ressources à chacune des boucles de l’économie circulaire, qu’il s’agisse du recyclage, de la re-fabrication, de la réparation ou de la réutilisation des biens, des emplois sont générés essentiellement au niveau local.

La mission de The SeaCleaners : Développer les infrastructures de gestion des déchets, employer et qualifier des opérateurs de tri

À Bali, The SeaCleaners a développé le programme MAPP (Mobula Against Plastic Pollution) pour agir sur toutes les étapes de gestion des déchets. Cela inclut la collecte de déchets par le Mobula 8 en milieu aquatique ou à terre, la gestion des déchets jusqu’à sa valorisation et son recyclage lorsque cela est possible, la sensibilisation, la formation des populations locales, avec financement d’aide à la collecte des déchets (camion, poubelles)…. 

Ainsi, The SeaCleaners travaille en partenariat avec les associations locales pour améliorer sur place l’infrastructure de gestion des déchets en optimisant les centres de tri. L’objectif est d’employer 30 à 40 opérateurs locaux pour faire fonctionner le nouveau modèle de gestion des déchets. Ces postes de travailleurs qualifiés ouvrent une voie autre que la clandestinité pour le ramassage des déchets : ils garantissent des conditions de sécurité optimales, un environnement de travail plus sain et contrôlé.  

Centre de tri de Peduli Alam

Ensemble, œuvrons pour que les professions de collecteurs de déchets soient valorisées, protégées et pour sortir les travailleurs de la vulnérabilité. Vous pouvez agir avec nous.  

Pour en savoir plus et participer au projet ⬇️

Bali, l’enfer de la pollution plastique au paradis 

Sources :  

https://www.nytimes.com/2020/04/27/world/asia/indonesia-jakarta-trash-mountain.html?smid=nytcore-android-share 

https://www.weforum.org/agenda/2022/12/waste-pickers-plastic-pollution-recycling-policies 

https://timesofindia.indiatimes.com/india/cash-from-trash-women-waste-pickers-are-upcycling-their-lives/articleshow/97464752.cms?from=mdr

https://www.economist.com/international/2020/12/19/covid-19-has-posed-new-challenges-to-the-worlds-waste-pickers 

 https://www.actu-environnement.com/blogs/remy-moigne/260/remy-le-moigne-emploi-economie-circulaire-367.html 

L’atlas du plastique : https://fr.boell.org/fr/atlas-du-plastique 

 

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