Le plastique, de l’océan à l’atmosphère
Pollution plastique
Science
17 mars 2023
L’océan n’est pas seulement un déversoir pour les déchets plastiques. Il est aussi devenu un émetteur majeur de particules de plastique dans l’atmosphère. C'est ce que montrent les études scientifiques sur le phénomène méconnu de l’aérosolisation du plastique, qui contribue à la pollution de l'air.
Une fois rejetés dans la nature, les déchets voyagent au gré des vents, des pluies, des rivières et des fleuves, pour terminer le plus souvent leur parcours dans les mers et les océans, plus ou moins dégradés.
Certains sont transportés par l’eau des rivières et des courants océaniques, d’autres sont enfouis dans le sol où ils se mélangent progressivement aux eaux souterraines. Les déchets peuvent également être transportés par le vent. Tous ces déchets font partie de ce que l’on appelle le « cycle de l’eau ». L’eau subit des changements d’état (solide, liquide ou gazeux) en circulant entre la terre, la mer et l’atmosphère, et alimente ainsi différents grands réservoirs comme les nuages, les glaciers et les océans.
L’Océan contient environ 96,5 % de l’eau présente sur notre planète, tout état confondu. On estime qu’entre 9 à 14 millions de tonnes de déchets plastiques y sont déversées chaque année (Rapport UNEP 2021). À force d’accumuler ces déchets, il est devenu une source majeure d’émission de plastique.
On sait que les grands courants océaniques et les marées transportent des déchets sur les plages, mais on connaît moins l’effet des interactions entre le vent, les courants et les vagues qui font remonter des minuscules particules appelées microplastiques depuis parfois 200 mètres de profondeur, jusqu’à la surface de l’eau, puis dans l’atmosphère.
Les courants brassent donc des déchets et les fragmentent en microplastiques, jusqu’à devenir encore plus petits. Ce sont les nanoplastiques.
La colonne d’eau, un ascenseur à déchets
Une certaine quantité de déchets plastiques flotte à la surface mais la majeure partie se retrouve en suspension dans la colonne d’eau (zone comprise entre la surface et le fonds des océans) sous forme de microplastiques et de nanoplastiques. Ils se déplacent ensuite au gré des courants. Certaines particules coulent jusqu’à se déposer au fond des océans alors que d’autres sont ingérées par des organismes marins et transportées à travers la chaîne alimentaire. Enfin, il existe un autre phénomène que l’on connaît encore moins : la remontée du plastique vers la surface et sa sortie dans l’atmosphère.
Concrètement, comment cela se traduit-il ?
La rotation de la Terre couplée à la force du vent donne naissance à deux types de courants (Ekman et Langmuir) qui ensemble sont capables de faire remonter des microplastiques et nanoplastiques en suspension dans la colonne d’eau. En surface, l’action des vagues crée des bulles dans ou sur lesquelles sont piégées ces particules de plastique. Quand ces bulles entrent en contact avec l’air, elles éclatent et vaporisent dans l’atmosphère de l’eau mais aussi du sel marin, des bactéries, des virus, des microalgues et des polluants comme des particules de plastique. C’est l’aérosolisation du plastique depuis les océans ! (Allen et al. 2020). Autrement dit, c’est le processus par lequel le plastique se transforme en particules suffisamment petites et légères pour être transportées par un gaz.
Ce phénomène d’aérosolisation du plastique, bien que méconnu, est une source importante de pollution de l’air…
Un impact négatif non négligeable pour l’environnement et la santé
Une fois dans l’atmosphère, les particules de plastique sont transportées par le vent jusqu’à de très grandes distances, de la même façon que les poussières, le sable ou encore le sel marin. Les recherches dans ce domaine sont encore à leurs débuts, mais on sait déjà qu’il existe une présence et un transport de microplastiques dans la troposphère, comme en témoigne une étude menée sur le Pic du Midi à 2 877 mètres d’altitude (Allen et al.2021). On estime également que 31% des microplastiques atmosphériques sont des microplastiques primaires, c’est-à-dire des particules de plastique directement émises dans l’atmosphère.
Cette aérosolisation du plastique depuis les océans est un phénomène inquiétant, car il a des conséquences sur la qualité de l’air et sur la santé humaine. Les particules de plastique contiennent des additifs toxiques qui, en se libérant dans l’air, peuvent engendrer des problèmes respiratoires, des inflammations ou encore des maladies pulmonaires. Ces particules se déposent également sur les sols, les plantes et les eaux douces, affectant les écosystèmes et la biodiversité.
Le plastique est aujourd’hui présent partout dans le cycle de l’eau, sous toutes ses formes, aussi bien dans les nappes phréatiques que dans les profondeurs océaniques, dans les nuages ou encore au sommet des montagnes. Il est donc crucial de mieux comprendre les mécanismes de distribution des microplastiques et nanoplastiques à travers la colonne d’eau des océans, ainsi que leurs impacts sur la qualité de l’air et sur la santé humaine.
Il est tout aussi impératif de ramasser ces débris plastiques au plus près des zones de déversement, quand ils sont encore à l’état de macrodéchets flottants et qu’ils sont concentrés, avant qu’ils se désagrègent, se décomposent, coulent et dérivent. Avant qu’ils ne deviennent irrécupérables.
Bibliographie :
Liu et al. 2020. Elucidating the vertical transport of microplastics in the water column : A review of sampling methodologies and distributions
Allen, S. 2019. Atmospheric-transport-and-deposition-of-microplastics-in-a-remote-mountain-catchment
Allen et al. 2020.Examination of the ocean as a source for atmospheric microplastics
Allen,S et al. 2021. Evidence of free tropospheric and long range transport of microplastic at Pic du Midi Observatory
G. C. Cornwell, et al., Ejection of dust from the ocean as a potential source of marine ice nucleating particles. J. Geophys. Res. Atmos. 125, e2020JD033073 (2020).
https://www.nature.com/articles/s43017-022-00292-x https://www.theguardian.com/us-news/2019/dec/31/ocean-plastic-we-cant-see
https://www.science.org/content/article/ninety-nine-percent-oceans-plastic-missing
https://www.science.org/doi/10.1126/science.abc4428