Les petits gestes, ça n’existe pas !
Pollution plastique
14 février 2023
Les plastiques à usage unique sont reconnus aujourd’hui comme l’une des menaces environnementales les plus pressantes au monde. Mais les avancées au niveau mondial pour juguler ce fléau sont beaucoup trop lentes. Alors ? On baisse les bras ? Certainement pas...
Connaissez-vous l’effet loupe ?
Il s’agit de ce phénomène, accentué par les algorithmes des réseaux sociaux, qui vous donne l’illusion qu’un sujet vous intéressant particulièrement (en l’occurrence, pour moi, la lutte contre la pollution plastique océanique) est subitement devenu LE sujet dont tout le monde parle, celui qui monopolise les gros titres des médias et focalise l’attention du monde entier.
C’est un effet grossissant qui limite votre champ de vision et déforme votre perception de la réalité.
Depuis deux ou trois ans, les acteurs environnementaux ont pu ainsi avoir l’impression que juguler la pollution plastique des océans était en passe de devenir une réelle priorité politique mondiale. Que plus aucun Etat, plus aucune institution internationale, plus aucune entreprise, plus aucun consommateur ne doutait de l’urgence des mesures à prendre pour préserver l’Océan et ne remettait en question le fait que ces mesures doivent être drastiques. Entre le One Ocean Summit, le World Ocean Summit, les conférences Our Ocean, le congrès mondial de l’UICN, les dernières COP climat et biodiversité, le début des négociations pour un Traité international contre la pollution plastique prévu pour 2024, les initiatives et les engagements ont eu tendance à se multiplier au cours des derniers mois. Certains ont ainsi pu céder à la tentation de croire : « ça y est, les lignes bougent, les avancées s’accélèrent, on y est arrivé. On va couper le robinet du plastique à la source et prendre le sujet de la restauration des écosystèmes marins à bras le corps. »
Une étude de la fondation australienne MINDEROO, publiée en janvier 2023, s’est chargée de nous rappeler la triste réalité. Elle titrait : « Les déchets plastiques à usage unique ont augmenté de 2019 à 2021 malgré les engagements pris ».
On y apprend notamment que la production de plastique à usage unique polluant a augmenté de 6 millions de tonnes par an entre 2019 et 2021 malgré des réglementations mondiales plus strictes, les producteurs faisant « peu de progrès » pour s’attaquer au problème et stimuler le recyclage. Bien que la croissance ait ralenti sur cette même période, la production de plastique à usage unique à partir de sources de combustibles fossiles vierges est encore loin d’avoir atteint son pic, et l’utilisation de matières premières recyclées reste « au mieux une activité marginale », indique l’étude. Environ 137 millions de tonnes de plastiques à usage unique ont été produites à partir de combustibles fossiles en 2021, et ce chiffre devrait encore augmenter de 17 millions de tonnes d’ici 2027, selon les chercheurs.
Selon cet autre index, 380 millions de tonnes de plastiques ont été produites l’année dernière dont 50% pour des produits à usage unique !
La conclusion s’impose : la crise des déchets plastiques va s’aggraver considérablement avant que nous n’assistions à une baisse absolue, d’une année sur l’autre, de la consommation de plastique vierge à usage unique.
Pourtant, ces plastiques à usage unique sont reconnus aujourd’hui comme l’une des menaces environnementales les plus pressantes au monde. De grandes quantités de déchets sont enfouis dans les décharges ou incinérés. Près d’un tiers (32%) sont déversés sans traitement dans la nature, les rivières et les océans. Les impacts sur la biodiversité, la santé, l’économie, le réchauffement climatique sont dramatiques.
Il y a quelques jours, la carcasse d’un grand cachalot s’est échouée sur une plage d’Hawaï. L’animal mesurait 17 mètres et pesait 54 tonnes. Cause du décès : son estomac était rempli de déchets en plastique. Les corps étrangers obstruaient son système digestif, l’animal n’a pas pu se nourrir. Il est mort de faim.
En décembre, des millions de billes de plastiques appelés « larmes de sirènes » sont venus souiller les côtes de la Vendée, de la Loire-Atlantique et du Finistère. 230 000 tonnes de ces granulés se retrouvent en mer chaque année à cause des containers perdus.
En janvier, le Brésil coulait l’ancien porte-avions Le Foch, un colis toxique de 30 000 tonnes rempli de métaux lourds, d’amiante, de PCB, de mercure et de substances hautement toxiques pour la vie marine. Un véritable crime environnemental…
Alors quoi, on se décourage ? On se dit qu’il ne à sert rien de se battre ?
Evidemment, non. En réalité, le combat ne fait que commencer et c’est maintenant que nous devons, plus que jamais, être inventifs et en première ligne.
Face à l’ampleur du phénomène de la pollution plastique qui, loin de faiblir, ne fait que s’intensifier, nous refusons de baisser les bras et de nous résigner. Céder à l’immobilisme, affirmer que tout ce qu’on peut tenter pour endiguer ce flux ininterrompu de déchets est dérisoire, c’est faire le lit de l’éco-anxiété. Nous refusons de céder au fatalisme.
Avons-nous vraiment le choix au fond ?
Que dirons nous à nos enfants quand le dernier kilomètre de plage vierge de tout détritus n’existera plus qu’en carte postale ? Quand la dernière tortue mourra étouffée par du plastique ? Quand on verra plus de déchets flottants que de poissons en nageant ? Quand on sera dégoûtés à l’idée même d’avaler des produits de la mer, de s’y baigner, d’y naviguer ? Quand nous aurons déréglé les services écosystémiques de l’océan, sa capacité à absorber le carbone, à réguler le climat, à fournir de l’oxygène ?
Leur dirons-nous que nous avons manqué de leviers, d’idées ou de volonté pour mener la lutte qu’exigeait la préservation des océans ? Que la tâche semblait vaine ? Que l’on doutait de l’importance des efforts individuels et de la société civile pour faire face à la menace ? Qu’on n’était pas sûrs de pouvoir sauver les mers avec des « petits » gestes ? Qu’on se disait que c’était avant tout aux Etats et aux grandes entreprises de faire des efforts ? Pire, que nous pensions commodément qu’il n’y avait que les grandes mesures étatiques ou transnationales à horizon 2040 ou 2050 qui comptaient ?
Il n’y a pas de petits gestes quand on est des milliers, des millions à les faire ! Il n’y a pas d’actions inutiles.
Qu’on ne se méprenne pas : la mobilisation des pouvoirs publics, des décideurs politiques et économiques est essentielle et elle doit se traduire rapidement par des décisions et des actions à court terme. Mais il est de notre responsabilité collective d’accompagner aussi et d’amplifier les initiatives de la société civile, sans attendre. Quand les citoyens et les ONG amorcent des choses, lorsque les résultats sont là, nous devons tous nous bouger pour les faire passer à l’échelle.
Cessons d’opposer le curatif et le préventif, l’action concrète et les changements comportementaux. Ils sont complémentaires et se nourrissent l’un l’autre : grâce aux opérations de ramassage, en mer ou à terre, on nourrit aussi la mobilisation et la prise de conscience. Nous avons besoin de victoires d’étapes dans la bataille au long cours contre la pollution plastique.
Depuis 2016, notre équipe de THE SEACLEANERS se bat sur tous les fronts, sans hésitation, sans tergiversation. Nos mots d’ordre n’ont pas changé : passer à l’action, trouver des solutions, refuser l’abdication. Nous faisons acte de résistance, tout simplement.
Nous assumons le choix d’agir de façon concrète et immédiate, encore et toujours, en nous emparant de toutes les modalités. Ce sont autant de fronts ouverts dans la bataille contre la pollution plastique océanique : les développements du MANTA, le déploiement des MOBULA, les actions de collecte et les animations de nos bénévoles, l’engagement de nos mécènes, les opérations de sensibilisation, la vulgarisation scientifique, la présence visible sur les grands rendez-vous internationaux, la mobilisation citoyenne via les réseaux sociaux…
Les équipes de The SeaCleaners travaillent inlassablement pour faire de l’association un acteur complet et polyvalent de la dépollution océanique. Le chemin parcouru depuis 6 ans est impressionnant. Celui à venir l’est encore plus !