Pollution plastique des océans : quels pays et pourquoi ?
Pollution plastique
Science
20 mars 2023
Quels sont les pays qui rejettent le plus de plastique dans l'océan ? Pourquoi ?
Qu'est-ce que cela signifie pour les solutions de lutte contre la pollution plastique ?
Voici un regard de côté pour comprendre l'ampleur et les moteurs de la pollution plastique océanique, afin de mettre en œuvre les interventions les plus efficaces pour la réduire.
Sur les quelque 380 à 400 millions de tonnes de produits plastiques fabriqués chaque année, on sait aujourd’hui que l’humanité en rejette 275 millions sous forme de déchets, soit l’équivalent de son propre poids (287 millions de tonnes).
De ces déchets plastiques, 9 à 14 millions de tonnes finissent chaque année dans l’océan.
L’étude de la pollution plastique est une science récente, il faut collecter des données pour mieux comprendre le problème. Celles-ci nous informent sur les interventions les plus efficaces pour réduire les pollutions plastiques marines.
Les données collectées et mises en avant dans le montage ci-dessous nous apprennent que l’Asie représente pas moins de 81 % des apports mondiaux de plastique dans les océans.
On peut opposer à cela que l’Asie est le continent le plus peuplé : elle abrite 60% de la population mondiale.
Pourtant, ce sont bien les pays à revenu élevé dits “du Nord” qui produisent le plus de déchets plastiques par personne : un Américain produit huit fois plus de déchets plastiques qu’un Chinois.
En effet, Les Etats-Unis génèrent en moyenne 130 kilos de déchets plastiques par an et par habitant contre 15 kilos en Chine et 43 kilos en France.
Ce que l’on observe c’est que les pays développés réussissent mieux à traiter ou à exporter les déchets vers d’autres pays. Pendant ce temps, de nombreux pays en développement reçoivent des exportations en vrac mais n’ont pas encore développé l’infrastructure nécessaire pour les traiter, contribuant ainsi toujours plus à la pollution plastique océanique.
Ainsi, ce n’est pas seulement la consommation ni même la production de plastiques qui seraient les seules données explicatives de la pollution plastique marine en provenance d’Asie : la mauvaise gestion de ces déchets est également en cause, qu’ils soient générés sur place ou “hérités” d’autres pays.
L’acheminement des déchets vers les océans en ligne de mire
Publiée en 2021, l’étude de Meijier et al. a bouleversé les connaissances en matière de la distribution mondiale de la pollution plastique, en prenant en considération un autre paramètre majeur : la densité fluviale.
On le sait, la majeure partie des déchets plastiques dans nos océans provient de sources terrestres. En poids, 70 % à 80 % sont du plastique transporté de la terre à la mer via les rivières.
Si l’on pensait jusqu’alors que la majorité des plastiques ne provenait que d’une dizaine de “méga-fleuves” du monde comme le Yangtze en Chine ou le Gange en Inde, cette nouvelle étude a rebattu les cartes des pays les plus contributeurs à pollution plastique océanique : 80% de la pollution plastique acheminée des rivières vers l’océan se ventile en fait sur un nombre de rivières bien plus conséquent,1656 pour être précis.
Cette conclusion a des conséquences énormes sur notre compréhension de la contribution des pays à la pollution plastique océanique. Les Philippines deviennent, à la place de la Chine, le premier pays contributeur à la pollution plastique marine. Elles sont suivies par l’Inde, la Malaisie et la Chine. Pendant que l’Indonésie passe de la 2ème à la 5ème place.
Comment un “petit” pays de “seulement” 113,9 millions d’habitants peut-il dépasser la Chine, 10 fois plus peuplée, en tant que premier contributeur à la pollution plastique océanique globale, et se retrouver responsable de près de 35 % de toute la pollution plastique océanique ?
Le premier facteur est géographique : les Philippines sont un archipel de plus de 7 000 îles, avec un littoral de 36 289 kilomètres et 4 820 rivières émettrices de plastique, et où la majorité de la population vit en bordure côtière. Sept des dix premiers fleuves émetteurs de plastique se trouvent aux Philippines : le fleuve Pasig, aux Philippines, représente à lui seul 6,4 % de la production mondiale de plastique fluvial.
Le second facteur est le faible développement des infrastructures de gestion des déchets, faute d’investissements. Sans infrastructures adaptées, les déchets accumulés sont soit brulés en plein-air, ce qui provoque des conséquences dramatiques sur la santé des populations locales, soit enfouis ou repoussés vers l’océan.
Une compréhension fine de ces deux facteurs guide le déploiement de la stratégie du programme de The SeaCleaners en Asie, à commencer par l’Indonésie.
A Bali, la question du réseau fluvial se pose en effet avec la même acuité. Bali est l’une des plus petites îles de l’archipel indonésien, mais aussi l’une des plus touchées par la pollution plastique. 90% des habitants vivent à moins d’un kilomètre d’une des 372 rivières qui irriguent l’île. Ce réseau d’eau est une richesse incroyable pour la végétation et l’agriculture. Malheureusement, il est aussi un moyen de transport idéal pour les déchets plastiques… Selon l’organisation Sungaï Watch, environ 33 000 tonnes de plastiques pénètrent dans les rivières de Bali chaque année, soit environ 90 tonnes par jour.
Le Mobula 8 et le MAPP pour combattre la pollution plastique océanique là où elle se crée.
Lancé en octobre 2022 à Bali en Indonésie, MAPP (Mobula Against Plastic Pollution) est un programme global de lutte contre la pollution plastique, qui s’appuie sur l’action du Mobula 8, le bateau de dépollution polyvalent en eaux calmes : rivières, mangroves, canaux et zones portuaires….
Ce programme est global par
- Les acteurs impliqués : c’est une collaboration avec les autorités, les associations et les entrepreneurs locaux,
- La complémentarité des actions menées.
En effet, The SeaCleaners complète l’action curative de collecte des déchets par le Mobula 8 avec une approche globale :
– Gestion des déchets : création avec les acteurs locaux d’une chaine de valeur pour une meilleur gestion des déchets
– Sensibilisation des communautés locales pour un changement durable des comportements et formation à une meilleure gestion des déchets
– Assistance technique et financière pour améliorer les infrastructures de gestion des déchets
– Recherche scientifique : collecte de données par voies satellitaires lors des ramassages de déchets (grâce à notre partenaire CLS, filiale du CNES spécialisé dans l’observation de la Terre)
La mise en œuvre du programme MAPP à Bali ouvre la voie à la diffusion de ce modèle à grande échelle pour une meilleure gestion des déchets localement, dans les pays en voie de développement. La conclusion de cet article est l’occasion de se rappeler que si la partie visible de l’iceberg de la pollution plastique des océans se situe en Asie, il est nécessaire que ce soit aussi les pays du Nord qui changent de comportement vis-à-vis de la consommation à outrance de plastique. C’est trop souvent ce que que l’on jette ici, qui se retrouve “là-bas”.