Pourquoi faut-il collecter les déchets plastiques en mer ?
Pollution plastique
Projet Manta
Science
24 janvier 2024
Pour agir contre la pollution plastique, il est important de diminuer la production de plastique à la source et de collecter les déchets présents dans la nature. Les données scientifiques confirment l’utilité de la collecte, en mer comme à terre.
Pour introduire le sujet, prenons une image parlante : imaginez que vous ayez une fuite d’eau dans votre cuisine. Pour y remédier, le premier réflexe est d’agir à la source en coupant le robinet, en changeant le joint ou en colmatant le tuyau. Reste ensuite une seconde étape : Se munir d’une serpillère pour retirer l’eau déversée sur le sol. Pour agir contre la pollution plastique, c’est pareil : il est important de diminuer la production de plastique à la source et de collecter les déchets présents dans la nature pour avoir un impact concret dès maintenant. Aujourd’hui les données scientifiques confirment l’utilité de la collecte, en mer comme à terre.
Quand les déchets squattent la zone côtière
Le trajet des plastiques dans le cycle de l’eau et l’Océan est un sujet important pour la recherche. Selon leur densité, les déchets vont évoluer à la surface, dans la colonne d’eau ou au fond des océans. Ils vont être soumis au vent, aux nombreux courants marins et aux vagues, les charriant au fond des océans ou au large, piégés par les courants concentriques des gyres océaniques.
D’après les travaux de modélisation d’Ocean Cleanup (1), 43% des déchets macroplastiques arrivés dans l’Océan couleraient au fond tandis que 57% flotteraient. Ces derniers s’engageraient alors dans plusieurs cycles au cours desquels une partie des déchets se déposerait sur les côtes. Le reste soumis au vent, aux très nombreux courants marins et aux vagues, serait charrié au fond des océans ou au large, piégé par les courants concentriques des gyres océaniques, et se dégraderait petit à petit.
En 2021, une étude (2) estime qu’entre 67% et 77% des déchets plastiques se trouvent sur les plages et dans les eaux côtières (jusqu’à 10 km au large). En 2023, une autre étude (3) établit que 62% des macroplastiques entrant dans l’Océan se trouvent en surface. Notons que cette étude prend uniquement en compte les macroplastiques flottants dont la densité est supérieure à celle du sel marin, excluant donc les déchets présents dans la colonne d’eau et sur les fonds.
Ces études et modélisations s’accordent à dire que plus de la moitié des macroplastiques qui arrivent dans l’océan flottent, reviennent sur les plages ou restent en zone côtière durant plusieurs cycles. En les ramassant à ce moment et cet endroit précis, avant qu’ils ne coulent ou dérivent au large, nous limitons la production de microparticules trop complexes à collecter.
Par ailleurs, les modélisations (1) montrent que même si on arrête d’émettre des macroplastiques dans l’océan (courbe bleu clair), les microplastiques provenant de la dégradation de macroplastiques déjà présents dans l’Océan continuent à croître, et ce pendant au moins 30 années.
Il est donc nécessaire pour avoir un impact concret sur la pollution de l’océan d’agir à la source, en limitant l’entrée des déchets plastiques dans le cycle de l’eau mais également de collecter les déchets sauvages.
Au-delà du volet préventif, l’action de The SeaCleaners se caractérise par le développement de solutions innovantes le MANTA et les MOBULA. Ces prototypes uniques au monde vont permettre de collecter les déchets plastiques avant qu‘ils ne se dégradent trop.
Collecter à terre avant dispersion en mer
Une fois dans la nature, les déchets plastiques continuent de se dégrader, de polluer les écosystèmes et d’émettre des gaz à effet de serre (principalement éthylène et méthane). En les ramassant à terre, nous pouvons interrompre leur trajet dans le cycle de l’eau.
Une étude récente de NORCE, l’un des plus grands organismes de recherche norvégiens, a montré que la collecte des déchets à terre avait un impact sur la quantité de microplastiques présents dans l’environnement. Sur une période d’un an, des volontaires ont ramassé des bouteilles, des sacs et autres gros morceaux de plastique sur les rivages d’une île près de Bergen. La quantité de microplastiques sur terre et dans l’eau a chuté de 99,5 % !
Les scientifiques pensent que les niveaux élevés d’UV et de températures sur les rivages et dans les eaux peu profondes entraînent une dégradation beaucoup plus rapide à ces endroits des fragments de plastique.
La collecte à terre comme en mer a donc non seulement un intérêt environnemental, mais aussi pédagogique ! Participer à des opérations de collectes de déchets, en ville, à la campagne, sur terre ou en mer, permet de constater les quantités importantes de déchets présents dans la nature, de réaliser qu’il s’agit essentiellement de produits issus de notre propre consommation au quotidien et peut susciter l’envie d’agir concrètement.
Sources des études :
- Lebreton, L., Egger, M. & Slat, B. A global mass budget for positively buoyant macroplastic debris in the ocean. Sci. Rep. 9, 12922 https://www.nature.com/articles/s41598-019-49413-5 (2019).
- Onink, V., Jongedijk, C., Hoffman, M., van Sebille, E. & Laufkötter, C. Global simulations of marine plastic transport show plastic trapping in coastal zones. Environ. Res. Lett. https://doi.org/10.1088/1748-9326/abecbd (2021).
- Mikael L. A. Kaandorp, Delphine Lobelle, Christian Kehl, Henk A. Dijkstra & Erik van Sebille. Global mass of buoyant marine plastics dominated by large long-lived debris. https://www.nature.com/articles/s41561-023-01216-0 (2023)
- Gunhild Bødtker, Marte Haave, Gaute Velle, Gidske L. Andersen, Alessio Gomiero, Rune Gaasø, Kenneth Bruvik og Eivind Bastesen, NORCE rapport 6-2023. https://www.norceresearch.no/assets/images/prosjekter/Lisle-Lyng%C3%B8y/Rapport-6-2023-NORCE-Klima-og-milj%C3%B8_HMF11432.pdf?v=1693814487