Protéger les baleines du plastique : une action pour le climat !
Science
Sensibilisation
23 février 2024
« Si l’Océan meurt, nous mourons ». Cette phrase culte du Capitaine Paul Watson, célèbre défenseur des baleines, résume bien la situation. La vie est apparue il y a 4,5 milliards d’années dans l’Océan et c’est l’Océan qui la maintient depuis.
Malheureusement aujourd’hui 5 fléaux majeurs menacent l’Océan : la surpêche, le changement climatique, la destruction des habitats, les pollutions et les espèces invasives. Or, la pollution plastique amplifie chacune de ces menaces. En effet, 40% des macrodéchets flottants sont issus de la pêche. Les déchets plastiques dégradent les habitats, depuis les berges des cours d’eau jusqu’aux fonds marins. Ils font évidemment partie des pollutions et ils sont des transporteurs idéaux pour beaucoup d’espèces invasives. Mais on ignore souvent le lien entre plastique et climat et pourtant la pollution plastique représenterait 10 à 13% du budget carbone mondial.
Le plastique émetteur de gaz à effet de serre
99% des plastiques sont fabriqués à partir de pétrole. A toutes les étapes de vie d’un produit en plastique depuis l’extraction de la matière jusqu’à la dégradation par les UVs du déchet lui-même dans la nature, le plastique émet des gaz à effet de serre.
Le plastique inhibiteur de la pompe à carbone océanique
Le plastique ne fait pas qu’émettre du CO2, il inhibe la plus grande pompe à carbone du monde, l’Océan. En effet celui-ci absorbe 30% des émissions de CO2 anthropiques grâce à deux mécanismes :
- La pompe à carbone physique. Au contact de l’eau le CO2 se dissout et acidifie l’Océan, menaçant des espèces calcaires comme les coraux ou les organismes à coquille.
- La pompe à carbone biologique. Le phytoplancton (l’ensemble des espèces végétales qui dérivent avec les courants) absorbe le CO2 via la photosynthèse et le transforme en matière organique. Le carbone est alors stocké dans les êtres vivants et soit se transmet à travers la chaîne alimentaire, soit coule avec les cadavres et les fèces des espèces marines pour être stocké dans les fonds marins.
La pompe à carbone des baleines
Le point de départ de la pompe biologique est le phytoplancton. Comme tout végétal il a besoin de soleil, de CO2 et d’eau pour réaliser la photosynthèse. C’est pourquoi on le trouve à la surface des océans. Mais il a aussi besoin de nutriments pour grandir. Or les nutriments qu’on trouve dans la matière organique (les restes d’organismes, les fécès,…) coulent et ne restent jamais en surface. Alors comment le phytoplancton peut-il absorber ces nutriments nécessaires à sa survie ?
Les baleines peuvent se nourrir à de grandes profondeurs et sont obligées de remonter en surface pour respirer. Ces mouvements verticaux font remonter des nutriments vers la surface. Mais ce n’est pas tout ! A cause de la pression en profondeur, les baleines ne peuvent faire caca qu’en surface, et plus elles sont grandes, plus les « plumes fécales qu’elles libèrent sont étendues et chargées en fer et en azote, représentant un véritable engrais pour le phytoplancton ! De plus, la plupart des baleines migrent sur de très grandes distances et donc au cours de leur voyage, répandent cet engrais si précieux partout à la surface des océans ! Les baleines sont les jardinières des océans.
Qui dit plus de baleines, dit plus de phytoplancton et donc moins de CO2 dans l’atmosphère. Mais la force de la pompe des baleines ne s’arrête pas là. Les baleines sont énormes – la plus grande, la baleine bleue peut mesurer jusqu’à 30 m de long pour 150 tonnes – et elles représentent un très grand puits de carbone. Quand elles meurent dans l’Océan, tout ce carbone est alors transporté vers les abysses où il sera stocké pour des millions d’années. En mourant et coulant au fond de l’Océan, une baleine piègerait environ 33 tonnes de CO₂ par an contre 22 kilos pour un arbre. Enfin, leurs cadavres constituent de véritables ilots de biodiversité dans lesquels se nourrissent des espèces abyssales qui sans ces baleines disparaitraient faute de nourriture.
Grâce à ce mécanisme qu’on appelle « Whale Pump » (Joe Roman, 2010), les baleines changent le climat !
Une pompe mise en danger par le plastique
Chaque année plus de 100 000 mammifères marins meurent de la pollution plastique par enchevêtrement, piégées dans du matériel de pêche, ou par ingestion de déchets plastiques (accessoires de pêches, sacs en plastiques, bouteilles, etc.).
Ce chiffre, déjà trop grand, ne prend pas en compte, les conséquences à long terme de l’ingestion de microplastiques. Une étude publiée en 2022 dans Nature communications a estimé que la baleine bleue pouvait ingérer 10 millions de particules de plastique de moins de 5 mm par jour. Le chercheur Zhe Lu, professeur en écotoxicologie marine à l’Université du Québec, explique dans un article de Reporterre qu’« en raison de leur nature lipophile, les microplastiques ont le potentiel d’absorber les polluants organiques persistants présents dans les régions contaminées. Comme par exemple, des métaux lourds, des polychlorobiphényles (PCB), des pesticides ». Si la recherche sur les effets des microplastiques débute, on sait que des débris macroplastiques (> 5 mm) ont été retrouvés chez la moitié des mammifères marins échantillonnés dans le monde à ce jour. C’est un rapport du Programme Environnement des Nations Unies qui fait ce constat inquiétant et met en évidence que cette pollution touche la totalité des écosystèmes marins et diminue l’efficacité de la pompe biologique accélérant un peu plus le changement climatique.
Le 19 février, nous célébrions les baleines mais c’est tous les jours qu’il faudrait rendre hommage à ces jardinières océaniques ! Chaque geste que vous mettez en place contre la pollution plastique est un geste pour les protéger et protéger le climat.