Analyse des risques concernant les microplastiques dans les océans.

Microplastique
Microplastique

Date de publication 22 février 2021

Auteurs Beiras, R., Schönemann, A.M.

Sources Currently monitored microplastics pose negligible ecological risk to the global ocean. Sci Rep 10, 22281 (2020).

DOILink https://doi.org/10.1038/s41598-020-79304-z

Résumé

Compte tenu de l’augmentation de la production de plastique, les microplastiques (MP) dominent les débris marins en nombre, et leur impact sur les écosystèmes marins augmentera probablement dans le futur. Toutefois, il manque encore une évaluation quantitative mondiale du risque associé à cette pollution. L’article examiné effectue une évaluation écologique des risques de MP dans l’océan mondial en comparant les seuils d’effets biologiques avec la probabilité d’exposition à ces concentrations, à partir des données disponibles sur la densité des débris plastiques. Les concentrations de MP de 100 à 5000 μm s’étendent de < 0,0001 à 1,89 mg/L, Le seuil toxique est de 13,8 mg/L, mais la probabilité d’exposition à ce seuil est de p = 0,00004. Par conséquent, les MP dans les océans présentent un risque négligeable sur les écosystèmes. Toutefois, la biodisponibilité, la translocation et la toxicité des MP augmentent à mesure que la taille diminue, et les particules < 10 μm sont peu identifiées par les méthodes de surveillance actuelles. Les recherches futures devraient cibler les fractions de la taille la plus basse des MP et des nanoplastiques. De, plus l’utilisation de vraies particules issues de l’environnement est préférable dans les tests de toxicité plutôt que des matériaux synthétiques préparés en laboratoire.

Avis TSC

Les mythes et réalités sur le MicroPlastiques (MP) sont nombreux.

Il est difficile de se faire une idée précise et objective du contexte, tout simplement parce que c’est un domaine en cours d’étude et que les résultats préliminaires au niveau scientifique commencent juste à offrir une base de réflexion à une compréhension globale. Autant la pollution par les macrodéchets de plastique était facile à appréhender par le grand public, autant celle des MP ne l’est pas car elle concerne des objets de très petites tailles voire microscopiques. A cette échelle, le nombre des particules affiché n’entre pas dans le sens commun et nous paraît énorme. Par exemple, cet article indique 7 000 000 de MP dans 1 m3 d’eau de mer comme étant un des niveaux les plus élevés. Cette valeur semble énorme, mais exprimée en unité plus palpable au quotidien, cela représente 7 MP/g d’eau de mer. En comparaison, le nombre de bactéries non pathogènes acceptées dans un aliment est de 100 000/g, cinq ordres de grandeur plus élevés ! Leur taille se situe entre 1 et 10 µm. A cette échelle, les nombres de particules sont toujours énormes mais représentent peu de matière, par exemple les 7 000 000 de MP correspondent à environ 2 g. Pour obtenir des valeurs en poids énormes, il suffit de multiplier par le volume des océans et on obtient effectivement des tonnes. Au-delà des chiffres qui font encore débat, il existe une vraie question concernant les risques associés à cette pollution. Les risques potentiels sont identifiés, mais nous ne sommes qu’aux prémisses des études sur leur validation par rapport au niveau d’exposition.

Qu’est-ce qu’un MicroPlastique ?

Le terme microplastique (MP) s’applique à des petites particules de matériaux plastiques dont la taille est comprise entre 5 mm et 1µm. En dessous de 1 µm on parle de nanoplastiques (NP). Celles qui sont produites volontairement pour certaines applications abrasives, par exemple en cosmétique pour les exfoliants, sont appelées MP primaires. Les autres, résultant de la dégradation de débris plastiques plus gros, sont appelées MP secondaires. Les familles chimiques de ces matériaux sont très variées : PE, PET, PVC, PP… pour ne citer que le plus connues. De même leur composition est très variable suivant l’application en agroalimentaire, en construction … avec des additifs qui peuvent être très différents pour le même polymère.

On observe les MP dans tous les océans.

Les auteurs de cette étude ont compilé un grand nombre de résultats qui ont été publiés sur des observations de MP dans les océans.  La synthèse statistique montre que l’on trouve ces MP dans tous les océans à des concentrations quasiment équivalentes entre 0,16 et 0.18 µg/L. Ceci souligne la dimension mondiale de cette pollution. Seules les zones de confluence, comme les gyres océaniques et les zones proches des côtes et des grands fleuves présentent des teneurs plus élevées entre 0,8 et 2 µg/L. Les particules étant de petite taille, leur nombre est très élevé, jusqu’à 7 million/m3. Ces données converties en unités surfaciques sont équivalentes à 500 mg/km2 au maximum dans les zones d’accumulation et 50 mg/km2 dans les autres. La gamme de taille des MP est très étendue, de 1µm à 5000 µm. Cependant, dans l’environnement marin la taille la plus fréquente est supérieure à 300 µm.

Les MP présentent des risques potentiels pour la santé des écosystèmes et la santé humaine.  

Le terme « risque potentiel » est important à comprendre. Nous sommes ici dans le principe de précaution tout à fait légitime lorsqu’une nouvelle pollution est mise en évidence. On trouve d’abord le risque chimique associé aux additifs et à leur diffusion dans le milieu naturel ou dans les organismes qui ont ingéré les MP. Une variante de ce risque est l’adsorption des polluants environnementaux (métaux lourds, pesticides…) sur les MP, les rendant ainsi plus concentrés et plus dangereux en cas d’ingestion. Il existe aussi le risque biologique quand des micro-organismes pathogènes se fixent sur les MP et sont ainsi transportés à distance de leur point d’émission. Enfin, les particules de plastiques en elles-mêmes peuvent être physiquement toxiques pour les organismes qui les ingèrent. C’est le phénomène de la translocation où une particule de très petite taille (< 1 µm) est intégrée dans les cellules et circule ensuite dans l’organisme en exprimant sa toxicité. Une fois listés tous ces risques potentiels, il est nécessaire de quantifier les seuils, de valider les effets toxiques et d’évaluer les probabilités d’exposition.

Cette première synthèse sur les données actuelles des MP montrent qu’ils présenteraient un risque négligeable sur les écosystèmes marins.

La toxicité des particules de plastiques dépend de leur taille. Tout système de mesure confondu, cette étude montre une corrélation significative entre la taille et la toxicité. Les particules < 1 µm sont les plus toxiques et les gros MP (> 100 µm) les moins toxiques. Les deux autres classes, de 10 à 100 µm et < 10 µm présentent des toxicités intermédiaires. Les gros MP ont un seuil de toxicité à 13,8 mg/L. Cette concentration n’a jamais été observée dans les océans. La plus forte concentration reportée est un ordre de grandeur en-dessous (1.8 mg/L). Les gros MP présents dans l’océan ne présentent donc aucun risque, affirmation avec un niveau de confiance de 99.996% selon ces données. Les petits MP entre 10 et 100 µm ont une fréquence de présence dans l’environnement de 0.023 % par rapport aux MP totaux. Leur niveau de risque est donc très bas. Seuls les NP (<1 µm) ont un potentiel de toxicité supérieur du fait du mécanisme de translocation cellulaire, mais actuellement il existe très peu de données, car les protocoles de collecte filtrent les MP jusqu’à 10 µm, la fraction en dessous n’est pas collectée. L’existence des NP dans l’environnement fait même l’objet d’un débat, car ces particules ont tendance à s’agréger spontanément pour former des MP. Le seuil de translocation fait aussi débat. Il est estimé à 0.024 µm dans les moules et 0.150 µm dans les coquilles St. Jacques. Le type de polymère peut aussi faire varier le niveau de toxicité, par exemple le PEG est utilisé sous forme de NP dans certains vaccins. Il est donc, a-priori, non toxique.

L’importance d’un des mécanismes de toxicité des MP sur les écosystèmes marins vient donc d’être validé.

En laboratoire les effets toxiques des MP sont significatifs pour des tailles < 10 µm. La majeure partie des MP dans les océans ont des tailles > 300 µm. Ceci résume la connaissance actuelle sur les risques avérés. Il faut toutefois rester prudent car les autres aspects de la toxicité des MP n’ont pas été évalués (risques chimiques, transport de pathogènes). Et cette conclusion est uniquement applicable aux océans. Elle n’est pas transposable aux milieux aquatiques ou terrestres et encore moins aux MP en suspension dans l’air. Comme le souligne les auteurs de l’étude, nous manquons de données pour une vue complète du problème, il est donc nécessaire de compléter par plus d’études. Cette première conclusion indique aussi, l’inutilité des collectes de MP dans le milieu marin. Le gain écosystémique serait négligeable avec un impact potentiel significatif sur le plancton et la microfaune qui sont à la base de des chaînes alimentaires marines. Ce qui n’est pas le cas de la collecte des macrodéchets plastiques flottants qui ont un impact direct sur la faune et l’activité économique. Leur durée de séjour en surface des océans est relativement courte, ensuite la majorité sédimente vers les fonds où ils sont impossibles à collecter. Il est donc prioritaire et urgent de les collecter au plus près de leur source quand ils se déversent dans les océans.

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