Plastiques, effet de serre, bilan carbone et réchauffement climatique.
Date de publication 29 juin 2020
Auteurs Shen, Maocai; Huang, Wei; Chen, Ming; Song, Biao; Zeng, Guangming; Zhang, Yaxin
Sources (Micro)plastic crisis: Un-ignorable contribution to global greenhouse gas emissions and climate change. Journal of Cleaner Production 254, 120138 (2020)
Résumé
Résumé : Le développement rapide des industries plastiques a créé une variété de produits, apporteurs de progrès révolutionnaires dans la chimie, la physique, la biologie et la médecine. La production à grande échelle et l’application des plastiques augmentent leur risque d’entrer dans l’environnement. Dans le passé, les études d’impact environnemental portaient généralement sur leur toxicité, leur comportement et leur devenir ; une attention limitée ayant été accordée aux émissions de gaz à effet de serre et aux changements climatiques. Avec l’augmentation des déchets plastiques, la menace pour le climat a été progressivement prise au sérieux. Les données ont montré que les émissions de gaz à effet de serre se produisent à chaque étape du cycle de vie du plastique, y compris l’extraction et le transport de matières premières, la fabrication, le traitement des déchets et la fin de vie dans l’environnement. Les industries de fabrication des plastiques sont les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre (de l’extraction des matières premières à la fabrication de plastiques). Les émissions de gaz pendant la fabrication sont principalement contrôlées par les installations de production elles-mêmes, généralement en fonction de l’efficacité, de la configuration et de la durée de vie des équipements. En outre, il y a des impacts imprévus, y compris les exigences de transport, les fuites de pipelines, l’utilisation des terres, ainsi que l’entrave des forêts et autres puits de carbone naturels. Le recyclage des plastiques semble être un bon moyen de traiter les déchets, mais ce processus libère beaucoup de gaz à effet de serre. Avec la transition énergétique en cours, l’incinération des déchets d’emballage en plastique deviendra aussi l’une des principales sources d’émissions de gaz. En outre, les plastiques rejetés volontairement ou non dans l’environnement libèrent également, très lentement, des gaz à effet de serre, et selon les dernières études, la présence de (micro)plastiques dans l’océan interférera sérieusement avec la capacité de fixation du carbone du phytoplancton. Dans sa forme actuelle, les émissions de gaz à effet de serre du « berceau à la tombe » pour le plastique atteindront 1,34 gigatonnes par an d’ici 2030 et 2,8 gigatonnes par an d’ici 2050. Cela entamera sérieusement les budgets en carbone, menaçant ainsi la capacité de la communauté mondiale à maintenir l’élévation des températures en-dessous des +1,5 °C, voire +2 °C d’ici 2100. Pour atteindre cet objectif, les émissions mondiales totales de gaz à effet de serre doivent être maintenues dans un budget carbone de 420 à 570 gigatonnes. Les émissions cumulées de gaz à effet de serre du berceau à la tombe des plastiques peuvent dépasser 56 gigatonnes d’ici 2050 (soit environ 10 % à 13 % du budget carbone total). Avis The SeaCleaners : L’utilisation des plastiques contribue à l’effet de serre et donc au réchauffement climatique. Le recyclage de la matière plastique est présenté comme une solution miracle. Quelle est la meilleure façon de gérer les déchets plastiques ? L’effet des plastiques sur les puits de carbone reste à démontrer. Il existe des voies possibles pour améliorer la situation. Le plus important reste la modification du modèle économique.
Comme l’industrie du plastique prévoit d’augmenter la production à grande échelle, le problème va encore s’aggraver. Le Forum économique mondial a prévu que d’ici 2030, la production et l’utilisation des plastiques augmenteront à un taux annuel de 3,8 % par an, et ce taux de croissance tombera à « seulement » 3,5 % par an de 2030 à 2050.
Toutefois, il y a d’importants défis et incertitudes dans cette estimation, et les facteurs de contestation proviennent de tous les horizons. Récemment, plusieurs organisations et chercheurs ont commencé à discerner la relation entre les émissions de gaz à effet de serre et les industries du plastique, mais la recherche pertinente sur ces impacts n’en est qu’à ses balbutiements.
La contribution de la pollution plastique aux émissions de gaz à effet de serre et au changement climatique devrait faire l’objet d’investigations. La mise en œuvre de mesures visant à résoudre ou à atténuer la crise du (micro)plastique est essentielle : (1) le contrôle de la production des plastiques mondiaux ; (2) améliorer le traitement et l’élimination des déchets plastiques ; et (3) l’évaluation de l’impact des (micro)plastiques sur le climat.
Dans le cas où les plastiques sont fabriqués à partir de polymères d’origine pétrochimique, cette allégation ne fait aucun doute, ne serait-ce qu’au niveau du bilan de la matière car, à leur fin de vie, le carbone organique se transforme en gaz carbonique qui favorise l’effet de serre, car provenant d’une ressource fossile. S’y ajoutent, comme le soulignent les auteurs de cet article, tous les gaz à effet de serre issus de la production, du transport et de la fabrication de ces plastiques. Le doublement envisagé de la production mondiale de plastique à l’échelle de quelques dizaines d’années va accentuer considérablement le problème, si cette organisation perdure.
Cette allégation n’est fondée que si l’on considère uniquement le bilan matière. C’est-à-dire que le carbone organique du polymère plastique restera en circulation dans l’économie dite circulaire. L’émission des gaz à effet de serre sera donc retardée jusqu’à sa fin de vie. Toutefois, le nombre de cycles de recyclage qui sont possibles pour les polymères actuels est assez limité. Au-delà de 5 à 10 cycles, la qualité est modifiée et rend son usage beaucoup plus compliqué. Il sera alors valorisé chimiquement ou énergétiquement. Ce nombre de cycles, si notre économie reste dans un modèle hyperproductif, est très rapide. Par exemple, pour une bouteille d’eau en PET, une dizaine de cycles peut se faire en moins d’un an. On voit donc que, dans ce cas, le recyclage n’aura pas permis de retarder très longtemps l’émission des gaz à effet de serre. De plus, tous les transports et procédés de transformation de la matière pour la recycler vont aussi générer des gaz à effet de serre.
Si on considère le point de vue uniquement sous l’angle du réchauffement climatique, Il vaut mieux ne pas gérer les plastiques en fin de vie. En effet, dans le cas des plastiques d’origine pétrochimique, toute tentative de recyclage, de valorisation chimique ou énergétique en fin de vie va de toute façon générer du gaz carbonique. Comme les matières plastiques se dégradent très lentement dans l’environnement, leur enfouissement ou leur sédimentation sur les fonds marins, n’entraîne pas de libération de gaz à effet de serre. Il est évident que cette option n’est pas souhaitable d’un point de vue environnemental, car ces déchets ont aussi des impacts sur la faune et sur le fonctionnement global des écosystèmes. Le chiffrage de ces impacts et de leurs effets en retour sur notre bien-être et notre santé sont très difficiles à évaluer quantitativement, mais ils sont déjà observés.
L’extrapolation de quelques études présentant les effets des microplastiques sur le métabolisme du phytoplancton, est difficile à réaliser au niveau global océanique. Il est alors compliqué de conclure sur les effets indirects du ralentissement de ces métabolismes au niveau du réchauffement climatique, même si c’est un point important à considérer et à étudier dans le futur. De même, l’effet sur la photosynthèse des mangroves ou des forêts qui subissent la pollution plastique reste encore difficilement quantifiable. On pourrait aussi ajouter dans la balance le fait que de nombreuses microparticules de plastique en suspension dans l’eau vont favoriser le développement des diatomées qui vont se fixer à sa surface. Dans ce cas, la pollution par les microplastiques permettrait donc d’augmenter le puits de carbone constitué par la photosynthèse de ces microalgues. Il apparaîtra donc au lecteur toute la difficulté de raisonner sur des bilans lorsque les données ne sont pas encore complétement quantifiées.
Premièrement, au lieu de privilégier des polymères d’origine pétrochimique ou plus généralement issue de ressources fossiles, il est possible d’envisager des matières premières renouvelables. Celles-ci peuvent être issues de l’agriculture ou plus généralement de culture ou de fermentation bactérienne (comme les PHA, PHB, par exemple). Dans ce cas, le bilan carbone sera neutre car le carbone organique du polymère aura été fabriqué avec du carbone inorganique provenant de l’atmosphère. Bien sûr, il restera toutes les opérations de transport et de production qui génèrent des gaz à effet de serre.
Deuxièmement, les énergies utilisées pour ces opérations pourraient être choisies parmi des ressources renouvelables. Par exemple électricité d’origine solaire, éolienne, hydro-électrique, énergie provenant de ressources naturelles comme le bois, le gaz de biomasse…
Troisièmement, la réutilisation des objets est à privilégier, ce qui est bien différent du recyclage matière où chimique. Elle implique une durée de vie suffisante des polymères constitutifs. Pour que cette option ne soit pas gourmande en énergie, la réutilisation doit se faire au niveau du consommateur. Si un système de collecte et donc de transport et de nettoyage est mis en place, il va consommer de l’énergie et donc éventuellement produire des gaz à effet de serre, sauf si on se place dans les modèles énergétiques listés ci-dessus.
Nous devons nous orienter vers une production de matière en quantité raisonnée, voire frugale, et stopper l’hyperproduction des objets telle qu’on la connaît actuellement. Par exemple, éliminer tous les objets à usage unique. Il ne s’agit pas simplement du plastique à usage unique mais des objets eux-mêmes. La contribution principale de la pollution plastique observée dans l’environnement est constituée par les emballages et suremballages. C’est déjà un secteur où il est relativement facile de réduire la production.
De même, dans beaucoup de secteurs, le système en place reste une planification de production en fonction des résultats passés. C’est un système que l’on appelle en flux poussés. Il génère énormément d’invendus plus ou moins bien valorisés. Le meilleur exemple est l’industrie de la mode. Pourtant d’autres systèmes existent que l’on appelle en flux tirés, dans lesquels la production n’est déclenchée que lorsque la commande du client est passée. Ils sont bien connus de l’industrie automobile, par exemple. Le point faible de cette approche c’est le délai de production. La transition vers l’industrie 4. 0 devrait apporter des solutions en intégrant le client et ses besoins très en amont dans le processus de production et de planification.
Les volumes diminuant, ceci impliquera obligatoirement de repenser la valeur ajoutée des partenaires économiques. Il y a donc une vraie réflexion de fond à mener en commun avec les consommateurs, les décideurs politiques, et les acteurs du monde économique.
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